- MORMONS
- MORMONSLe nom de mormons désigne, de façon courante, les adeptes de la secte religieuse qui s’intitule Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours (Church of Jesus Christ of Latter-day Saints). Elle a tenu une grande place, depuis le milieu du XIXe siècle, tant sur le plan simplement religieux qu’historique, car elle est intimement liée à la colonisation de l’Ouest américain.La naissance des mormons en tant que secte se rattache à la renaissance religieuse, revivalism , qui caractérise les zones proches de la frontière dans les premières décennies du XIXe siècle. Partout apparaissent des manifestations d’une religiosité qui s’incarne dans diverses sectes nouvelles, dont celle des mormons. En 1820, un jeune garçon de quatorze ans, Joseph Smith, déclara avoir eu une vision du Seigneur, par l’intermédiaire d’un messager, Moroni, qui lui indiqua l’emplacement de tablettes d’or cachées entre Palmyra et Manchester, dans l’État de New York. Elles contenaient la transcription d’un livre sacré, vieux de deux millénaires environ, œuvre d’une tribu issue du peuple hébreu. On l’appela le Livre de Mormon, en souvenir d’un prophète supposé être le transcripteur de ces plaques. On le découvrit en 1827, et, trois ans après, une première édition en était publiée à Palmyra.Les mormons reconnaissent deux sources d’inspiration, de même valeur, la Bible et le «Livre de Mormon». Ils croient en la continuité de la révélation, mais pensent qu’il appartenait à Joseph Smith, grâce à celle qu’il avait eue, de ressusciter l’Église. Si chacun peut avoir des visions d’origine divine, la direction de la secte appartient à un individu qui détient les «clés du Royaume». Il n’existe cependant aucun clergé professionnel, car tout mâle de plus de douze ans peut célébrer le culte. Les principes essentiels du christianisme sont admis, entre autres la Trinité, consistant en trois personnes différentes unies dans la même substance divine. La différence la plus notable est que tous les humains semblables à Dieu peuvent s’assimiler à Lui, selon le dogme: «L’homme est ce que Dieu était. Ce que Dieu est, l’homme peut le devenir.» Ce qu’Il a fait pour son fils Jésus-Christ, Il le fait pour tous. C’est dans cette espérance de résurrection générale que réside la dynamique des mormons, et que s’explique leur succès.Sectaires, polygames et colonsDès 1830, sous la direction de Joseph Smith, la secte s’organisa et prit peu à peu ses contours définitifs: à la tête de l’Église, une présidence, effective en 1833, assistée d’un Conseil supérieur (1834) et d’un «Quorum des Douze Apôtres» (1835). Plus tard, elle fut divisée en stakes , ou diocèses, et en wards , ou paroisses, et son siège établi à Salt Lake City. Les mormons témoignent de leur activité religieuse par des missions, dépêchées dans le monde pour la conversion des non-croyants, et par de nombreuses organisations, les Associations mutuelles pour l’amélioration des jeunes gens et des jeunes filles. Ils attachent beaucoup d’importance à l’éducation, à la fois religieuse et laïque. Les premières années de la communauté furent très difficiles jusqu’à la migration en Utah, loin des «gentils». On leur manifestait de l’hostilité, sans doute du fait de leur sectarisme, peut-être aussi parce qu’ils pratiquaient la polygamie, que rien n’interdisait. À la suite d’opérations financières et foncières qui se terminèrent mal, en raison de la crise de 1837, certains fidèles apostasièrent, d’autres préférèrent se réfugier dans des régions plus hospitalières; ils quittèrent l’État de New York pour l’Ohio, puis pour le Missouri. D’abord bien reçus, ils se heurtèrent à la population qui voyait en eux des abolitionnistes forcenés. Quelques-uns furent massacrés, puis, en 1838, tous furent chassés. En plein hiver, ils décidèrent de s’installer dans le sud-ouest de l’Illinois, à Nauvoo, où fut construite sur un site marécageux une cité de vingt mille habitants, qui servit de refuge. Joseph Smith, accusé de favoriser la polygamie, d’avoir des ambitions politiques, son frère, Hyrum, et un certain nombre de leurs partisans furent arrêtés, en 1844. La prison fut prise d’assaut par une foule déchaînée qui massacra tous les chefs de la secte, à l’exception d’un seul (27 juin 1844).Le Conseil des Douze Apôtres élut comme successeur de Joseph Smith le plus âgé de ses membres, Brigham Young, qui négocia avec les autorités de l’État l’évacuation de Nauvoo. Les mormons avaient choisi de s’installer dans le désert voisin du Grand Lac Salé, en Utah, loin des «gentils».Pour arriver dans la Terre promise, à Zion, il fallait traverser plus de deux mille kilomètres à travers des territoires peu connus et peu hospitaliers. Il y eut deux expéditions, l’une par terre, l’autre par mer, et le départ fut fixé au 4 février 1846. La première dut s’arrêter pendant l’hiver 1846-1847 dans l’actuel Nebraska en attendant la belle saison, car on n’avait pas prévu que cette expédition serait si rude et si longue. En Iowa, les maladies contagieuses causèrent des centaines de morts: Brigham Young tira la leçon de cette expérience et prépara soigneusement la seconde partie du trajet. L’avant-garde arriva sur les bords du Grand Lac Salé en juillet 1847. À la fin de l’année, environ mille six cents émigrants étaient établis dans la «vallée», c’est-à-dire sur les bords du Grand Lac. Ils avaient suivi, entre le Nebraska et le South Pass, le tracé de l’Oregon Trail, ancienne route des fourrures et voie classique de pénétration vers le nord-ouest. À partir de South Pass, leur trajet se dirigeait franchement vers le sud-ouest, selon un tracé nouveau qui fut désormais appelé le Mormon Trail. Ce fut la voie classique de pénétration pour les immigrants, estimés à quatre-vingt mille en 1869, au moment où le chemin de fer transcontinental franchit pour la première fois les Rocheuses à travers l’Utah.Les mormons en UtahUne tâche considérable attendait les colons en Utah. Non que les Indiens, appartenant à la famille des Utes, fussent nombreux, mais les conditions physiques étaient sévères: grands écarts de température, sécheresse persistante, invasion chronique de sauterelles qui dévastaient les récoltes sur pied. Il fallut un courage peu commun pour surmonter tous ces obstacles, et, plus d’une fois, au cours des premières années, le découragement faillit mettre fin à cette expérience. La volonté de survivre, loin des tentations qui guettaient les gentils, le souvenir des difficultés passées, le sens de l’organisation des dirigeants permirent finalement de surmonter les obstacles.En moins de dix ans, une centaine de points de colonisation furent établis, certains sous le contrôle de postes militaires, dans des endroits stratégiques. Grâce à une technique remarquable, les eaux captées dans les monts Wasatch, dominant la dépression du lac Salé, furent réparties dans des canaux d’irrigation. Ainsi, les mormons démontrèrent la possibilité de coloniser des terres sèches et de nourrir une population en augmentation constante: la superficie cultivée passa de seize mille arpents, en 1850, à soixante-dix-sept mille, en 1860. L’expérience économique et sociale des mormons constituait un succès indéniable.Les mormons, la polygamie et le gouvernement fédéralSur le plan politique, il n’en alla pas de même. Établis en Utah en 1848, ils ne purent faire admettre leur État dans l’Union qu’en 1896, pour deux raisons. D’abord, le gouvernement théocratique établi par les mormons, au moins au début, était sans précédent dans l’histoire des États-Unis. À plusieurs reprises, les autorités fédérales accusèrent les mormons d’accepter un «gouvernement clérical». En second lieu, la pratique de la polygamie donna lieu à une série d’escarmouches entre mormons et autorités fédérales. Les fondateurs de la secte et ses dirigeants successifs pratiquaient la polygamie pour des raisons qu’ils appelaient religieuses et qui demeurent mystérieuses. Or elle était interdite par la législation fédérale depuis la loi contre la bigamie de 1862 et la loi Edmunds-Tucker de 1882. Des poursuites furent intentées contre les hommes et les femmes accusés d’enfreindre la loi fédérale, et plusieurs leaders religieux furent emprisonnés.Les autorités fédérales invoquèrent ces deux raisons – ou prétextes – pour repousser les demandes d’admission dans l’Union comme État et donnèrent seulement à l’Utah le statut de territoire en 1850. Il avait à sa tête un gouverneur, nommé par le gouvernement de Washington, non élu, et son autonomie était quasi nulle. Les gouverneurs montrèrent en général peu de sympathie pour les mormons, si bien que les conflits furent fréquents, avec intervention passagère de l’armée fédérale. Cette situation faisait peser sur les mormons une tyrannie dont ils souffraient, alors que des territoires voisins, souvent moins peuplés, se faisaient admettre sans difficulté comme États. Finalement, en 1890, le président de l’Église, Wilford Woodruff, déclara son intention de se soumettre aux lois fédérales et d’user de son influence sur les membres de la secte pour extirper la polygamie. Cela suffit pour assouplir la position du gouvernement fédéral, qui admit l’Utah comme quarante-cinquième État de l’Union en 1896. Le long purgatoire des mormons prenait fin.L’expansion des mormonsDes diverses sectes issues de la renaissance religieuse du début du XIXe siècle, celle des mormons connut l’expansion la plus grande et la plus rapide. Des fidèles affluèrent d’Europe aussi bien que de l’est des États-Unis pour s’établir non seulement en Utah, mais dans les États voisins, Arizona, Nouveau-Mexique, Idaho, Nevada, Californie. Ils y appliquèrent les mêmes méthodes que leurs frères de l’Utah et contribuèrent ainsi à une vigoureuse colonisation de l’Ouest américain. Salt Lake City a toujours été considérée comme la capitale des mormons, avec son temple, son tabernacle, la maison de Brigham Young et de nombreux souvenirs de l’époque héroïque. D’autres villes ont aussi leur temple et leurs institutions communautaires, en particulier Los Angeles et Oakland (Californie), Idaho Falls (Idaho), Mesa (Arizona). Un vigoureux mouvement missionnaire a entraîné l’implantation des mormons au Canada, en Nouvelle-Zélande et dans divers pays européens. On estime à plus de huit millions le nombre actuel de fidèles répartis dans le monde. Environ quarante mille missionnaires prêchent leur foi un peu partout. Les mormons conservent un sens très vigoureux de leur individualité religieuse, consacrent souvent plusieurs années de leur vie à la propagation de leur évangile et ont surtout une conscience communautaire très développée. Peut-être faut-il voir dans ces caractères la raison du succès spirituel, mais aussi matériel, des mormons. Ils ont transformé le désert d’Utah en une région prospère, et leur réussite individuelle est encore plus impressionnante: ils constituent l’une des communautés les plus riches au sein des États-Unis.
Encyclopédie Universelle. 2012.